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    Le sâdhu conduit-il à la vérité ? (Annemasse, octobre 2012)

    Rene
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    Message  Rene Ven 19 Oct - 8:40

    Chers-es philosophes,

    Le sâdhu signifie en sanskrit " l'homme de bien, le Saint homme". L'étymologie de la racine " sadh" désigne "le chercheur de vérité". En Inde, le sâdhu, est une personne qui renonce à tous les biens matériels pour se consacrer uniquement à la recherche de la vérité. Le sâdhu se coupe ainsi de tous ses liens et se retire dans la montagne où il vit en ermite. Lors de ses éventuels retours en société, il ne se couvre que d’un pagne et ne se nourrit que de ce que la population lui offre.

    Le réalisateur, Gaël Metroz, a suivi pendant plus de 18 mois un authentique sâdhu qui s'apprête à quitter sa grotte après 8 années d'isolement. Qu'a-t-il fait, qu'a-t-il vu, quelles sont ses questions, quelle est sa vérité ? Et, quelle est la nôtre lorsque nous voyons ce film ou que nous parcourons le dossier de presse accessible ici ?
    Le film de Gaël Metroz a quasiment valeur de documentaire ethnographique en ce sens que seul le sâdhu est mis en scène tel qu'en lui-même, avec ses questions, sa pratique, son environnement immédiat.
    (Pour écouter l'interview de réalisateur, cliquez ici)

    Soyons clair, ce film d'une rare authenticité (les choses telles qu'elles sont) est une illustration de questions philosophiques plus générales : où est la vérité ? y-a-t-il des chemins, des conditions pour la trouver ? Le dénuement, la solitude, la méditation sont-ils des aides ? Y-a-t-il une vérité au-delà des sens, au-delà du verbe ?

    Toujours sur le plan philosophique, dans Le réel et son double, Clément Rosset défend l'idée que nous savons toujours tout... mais que nous nous trompons nous-mêmes. Nous préférerions refuser le réel et lui superposer un double (un imaginaire, une vérité, un complot supposé, un inconscient, un dieu, des vérités, des artifices, des projections, une science, etc.)

    D'autres liens :
    Le site du film : http://www.sadhu-lefilm.com/
    Le réel et son double(Le Gai savoir de Raphael Entoven)
    La série : une histoire du bouddhisme (France-Culture)
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    Le sâdhu conduit-il à la vérité ? (Annemasse, octobre 2012) Empty Reprise partielle de quelques réactions envoyées par email

    Message  Rene Lun 22 Oct - 9:41

    Bonjour,

    Je reporte ici de façon partielle quelques réactions envoyées par vous les participants. Chacun est le bienvenu pour s'enregistrer et poursuivre "pleinement" cette conversation que j'ai trouvée très riche, éclairante et stimulante. Merci à tous.

    Proposition 1 de A:
    Le réel n'existe pas. En effet si nous devions compresser un Humain, en enlevant tout le vide qu'il y a entre chaque atomes, alors il ne serait pas plus gros qu'une tête d'épingle. De fait, le réel n'est qu'une illusion.
    Concernant les ascètes : le nirvana ou l'illumination, l'absence de ressenti, ne peut se faire que dans la mort. Nous sommes prisonniers de ce monde, et malgré toutes les privations: 'nous sommes poussière et nous retournerons à la poussière'
    Nous sommes esclaves de ce que nous sommes à l'origine : un organisme vivant, fait de chair et de sang, qui a besoin du monde physique qui l'entoure pour survivre. ESCLAVES ESCLAVES ESCLAVES nous sommes tous

    Proposition 2 :
    Si vous considérez qu'on peut "compresser un Humain, en enlevant tout le vide qu'il y a entre chaque atome, alors il ne serait pas plus gros qu'une tête d'épingle.", vous êtes obligée d'accepter du même coup plusieurs réalités : l'humain, le vide et les atomes. A mon sens, quelqu'un qui penserait sincèrement que le réel n'existe pas n'en parlerait pas et se laisserait mourir.
    Comment pouvez-vous conclure à partir des 2 propositions "On peut toucher un objet physique" et "Un objet touché est principalement du vide dans un équilibre énergétique" que le réel est une illusion ? Vous semblez conclure de l'absence d'identité entre vos croyances sur vos perceptions sensorielles et la réalité décrite par la physique, l'absence du réel.
    Votre croyance (invalidée par la physique) me semble être en gros la suivante :
    Vous imaginez que vos perceptions devraient vous envoyer une sorte de copie conforme du réel. En d'autres termes, qu'il devrait y avoir un isomorphisme entre vos perceptions et le monde. Comme si le réel devait mettre son empreinte dans votre esprit. Or ce n'est pas le cas.

    Proposition 3 :
    Je n'ai strictement rien à dire au sujet de la réponse scientifique. Certes, beaucoup de choses ne sont pas objectivement réelles, mais seulement subjectivement réelles. Beaucoup dépend déjà de nos cerveaux (entre espèces), comme par exemple la perception des couleurs non pas universelle du tout, mais créée par ce même cerveau.

    Le fait de se "défaire" de tout sauf ce qui est esprit me paraît négliger, voire vouloir ignorer tous les besoins humains qui ne se réduisent pas qu'aux besoins physiologiques: l'attachement (à lire Bowlby, Ainsworth), donc amour, socialisation, reconnaissance de soi par l'autre et tant d'autres besoins non pas physiologiques, mais sentimentaux et sociaux avec, ça oui, (si manque grave) répercussions irréparables sociales, affectives et aussi physiologiques.

    Si ce dont nous serions "esclaves" sont, certes des contraintes inévitables pour la survie: on doit manger, boire, chercher la bonne température, puis l'homéostasie, etc., toutes ces contraintes sont accompagnées, voir comblées de plaisir, non? On aime manger, on en a fait tout un art illimité de bonnes choses partout dans le monde, non?, on aime avoir chaud ou frais, selon l'ambiance extérieure, on aime assouvir notre soif, on aime s'endormir etc. Donc, voir tout ceci comme esclavage seul me paraît bien aride, non?

    Reponse de A :
    Ma réflexion sur le "réel" n'était QUE scientifique, et ne correspond pas à l'idée que je me fais du réel ; heureusement car ce serait plutôt tristounet !

    Par contre, en ce qui concerne l'affranchissement absolu de la souffrance & des désirs, à travers la mort ; dans ce cas-là on s'approche plus de mes convictions, qui, je l'avoue, tendent vers le "noir".
    En effet, j'ai tendance à voir le verre vide.

    Proposition 4 :

    Ce que veux dire "A" se rapproche de l'allégorie de la caverne de platon. Nous ne parvenons à voir que des phénomènes et pas les noumènes (au sens de kant). Bien sur , cela n'enlève en rien qu'il y a bel et bien une réalité comme pensée par descartes (je pense donc je suis.
    Si je lâche une balle , je suis sur qu'elle va aller au sol parce que l'expérience me l'a prouvé à 100%. Et elle me l'a prouvé à moi et à des milliards de personnes donc je ne souffre d'aucuns problèmes d'interprétations. De ceci, je peux déduire des causes et des conséquences, et avec une certaine faculté d'anticipation, malgré quelques zones de doute. C'est cette incertitude qui se traduit par des concepts aussi vague qu'un dieu omniscient , qu'un big bang théorique.
    Maintenant , j'ai peine à voir le rapport avec le sâdhu ou alors la question serait : Passer 8 ans dans une grotte permet-t-il d'avoir accès aux noumènes?. Personnellement , je ne pense pas du tout. A la rigueur , on peut avoir une réinterprétation assez restreinte des phénomènes de ce tonneau : Pourquoi les usines? pourquoi l'argent ? pourquoi les pourquoi? ;et autres turpitudes de l'esprit qui doivent confiner à la folie au bout d'un moment.... D'ailleurs Clément rosset ne parle pas du réel au même sens que Platon ou Kant mais dans un sens plus sociétale. Il faut voir l'aventure du sâdhu comme une aventure anti sociétale et pas métaphysique.
    In fine , l'isolement permet-t-il d'avoir une vue différent sur la société , la manière dont elle est organisé , sur les priorités qui sont les siennes. Là, je dis peut-être. Est-ce que cette nouvelle vision est la vérité? . Pour moi, non. Je cite un exemple bien simple : Si je veux en apprendre plus sur un sujet spécifique (connaitre la vérité) , sur , disons les pierres , je dois m'en procurer un maximum , l'étudier tous les jours , prendre des notes , tenter des expériences. Si je n'ai aucune pierre à ma disposition , tout mon savoir sera pur construction a priori. Si je veux connaitre la réalité du monde , connaitre sa vérité , je dois l'avoir sous les yeux , l'étudier , prendre des notes. Je ne vois pas comment je peux en savoir plus sur le monde en m'en retirant. A la rigueur , je saurais comment vivre dans une grotte , comment me réchauffer avec les moyens du bord, décrouvrir de nouvelles sensations dans mon corps.

    Proposition 5 :
    L'intervention de A m'a aussi donné envie de réagir à chaud. Je reviendrai sur votre conception de la philosophie et des sciences. Il me semble que le point de vue que vous exprimez (si je le comprends bien) n'est en rien« scientifique » (je ne vois aucune « équation » dans vos affirmations). Le propre de la science n'est pas, ce me semble, de discourir sur notre rapport au Réel, sur la nature des erreurs ou illusions dans lesquelles les hommes sombrent régulièrement lorsqu'ils tentent de le connaître ou encore sur le rapport qu'on peut établir entre le monde vécu et l'image scientifique du monde. C'est précisément le propre de la philosophie (métaphysique et épistémologie, notamment), ou des sciences humaines (sociologie des sciences et histoire des sciences, en particulier).

    En bref, ce n'est pas parce que votre opinion trouve sa matière première dans certains résultats des sciences physiques, qu'elle est elle-même scientifique pour autant. Il y a un saut interdisciplinaire entre : « la matière est constituée à 99% de vide » et « le Réel n'existe pas ». Passé ce malentendu possible, vous relisant, je crois que ce que vous voulez dire est que le point de vue que vous développez est « scientifique » en ce qu'il écrase la perception de sens commun (qualifiée d'irréaliste ou d'illusoire : nous croyons percevoir des couleurs...) sous l'image scientifique (... mais en fait il n'y a que des longueurs d'onde). Il s'agit là d'un parti pris.

    Il ne me semble pas non plus que le propre de la philosophie soit de « laisser son esprit vagabonder ». Si on considère l'histoire de la philosophie, celle-ci a régulièrement été définie comme une manière de former des pensées rigoureuses au sujet d'objets variés. Cette manière est désignée diversement selon les auteurs : la méthode (Descartes), la précision (Bergson), la clarté (Wittgenstein), pour ne citer qu'eux. Sans vouloir enfermer la philosophie dans ces références partiales, je souhaite simplement adhérer par là à la petite phrase rappelée en fin de mail d'invitation au café-philo: « La dimension philosophique de nos débats tient au fait que chacun admet, en principe, que les raisons de ses idées peuvent être expliquées (donc rendues compréhensibles) et questionnées (approfondies, interrogées). »

    En espérant ne pas vous avoir trop mal compris (mais de mes incompréhensions à rectifier naîtra peut-être une clarification pour vous-même de votre propre pensée) !

    Proposition 6 :
    Hola

    Je vais écrire en anglais c'est plus simple pour moi, et je vous épargne également le grincement d'un français qui risque de troubler votre lecture, lorsque vous vous attarder excessivement sur la forme plutôt que la fond - la maladie du 21 siecle.

    About noumene, you have made some very interesting comments and observations and so thank you for taking the time to share your thoughts with us as well as the other persons who have contributed to date. I particularly like your balanced view in this last note.

    While I have not seen the film in question, I have seen exerts and know other similar stories like Cave in the snow http://en.wikipedia.org/wiki/Tenzin_Palmo I agree with proposition 2 it is not going in the cave that will determine the cathartic benefits that this may bring about or the degree of self realisation. That said removing ourselves from society will enable us to default to a truer nature, but then how far into it's exploration we go will be determined by our intention. Why are we doing it, to flea all that disturbs us or to grow internally, and with time realise that we are all interconnected and we must exist in the world so that we may be an example to others and bring change about in that world through the example of our beingness - not just talk about values or concepts, but incarnate them. What I speak of here is an evolution of consciousness that as it grows will enable us to build greater connections between each other so as to not only recognise the intrinsic interconnectedness but benefit from it. I personally believe that it is difficult for a person in today's western, fast pace mindless society to realise a meaningful leap in conscious awakening. As most in that world who have free time use it to distract themselves from the work, but not for self discovery or growth, for if they recognised those benefits they would work less and cultivate their inner life more until it becomes sustainable. So big difference between "temp libre" et "temp liberer" (ref: La Puissance et La Sagess - George Friedmann - Gaillimard).


    Proposition 7 :
    Tout d'abord vérité et réalité ne se confondent pas. Vérité s'oppose à Mensonge et Réalité s'oppose à Erreur.

    Je ne parlerai que de l'accès à la Réalité.

    On peut connaître la réalité des choses de façon absolue quand l'outils d'observation est plus subtile que la chose à observer. Par exemple on peut être certain de la présence de quelqu'un dans ce forum sans erreur possible ou du fait que je porte deux chaussures en ce moment.

    Pour certaines réalités nos outils sensoriels ou techniques manquent de finesse. Dans ce cas notre connaissance du réel est limité par l'outil d'observation lui même.

    C'est le cas en physique (je suis physicien) quand on étudie la matière avec des techniques très puissantes mais aussi évidemment quand on utilise seulement les cinq sens humains.

    Fondamentalement l'humain possède en gros cinq sens assez grossiers et un sixème sens qui est mental et conceptuel. Tous ces sens sont limités et commettent des erreurs plus ou moins grossières selon les personnes.

    Les saddhus, du moins ceux qui sont de véritables chercheurs, commencent par éliminer le plus possible les erreurs des cinq premiers sens. Les sensations vécues de façon ordinaire opacifie en effet notre capacité pure de connaissance. Ils essaient donc d'éliminer les connotations mentales ajoutées aux sensations. Vivre objectivement le froid, les sons, le spectacle de la mort par exemple sans surajouter à la scène présente de jugements ou de sentiments négatifs ou positifs issus de nos expériences précédentes. Arriver à ça, et il y en a qui y arrive, c'est déjà une approche poussée de la réalité objective non!

    L'expérience saddhu est une vraie expérience scientifique de dépouillement des erreurs de la subjectivité. Il reste que nos expériences aboutissent toutes à un seul et même outils qui est notre mental. Là se trouve la plus inexpugnables des sources d'erreur. Notre mental conditionné par nos expériences antérieures conditionne notre appréciation de la réalité.

    Nos premières expériences au contacte du monde forme progressivement le JE qui conditionne notre mental. JE se construit à l'intérieur de nous même par suite de l'intéraction de notre conscience avec le monde. Ce JE est la source de notre subjectivité et donc de nos erreurs vis à vis du réel.

    Pour s'approcher le plus possible de la réalité il faut donc déconstruire le conditionnement de notre mental de façon radicale en déconstruisant le JE.

    Voilà la quête de Bouddha, le saddhu extrême, qui a cherché l'ultime réalité accessible à l'homme sans moyen technique autre que son propre esprit.

    Les hommes anciens ont bâtit des moyens assez rigoureux d'abolir le JE. Ce sont des techniques intérieures qui peut être enseignées : des techniques de méditation...

    Evidement on peut être doué ou pas pour la méditation comme on peut l'être pour les différentes mathématiques ou le tennis. Dans ce domaine comme dans les autres on peut aller loin si on est doué... et celà dépend aussi souvent du prof... ;O)

    Bref, in fine l'abolition du JE par ces techniques, ou par hazard, met en contact avec le réel autant qu'il est possible de l'être pour un humain sans outil extérieur.

    Il se trouve que cette expérience (accessible par un protocole répétable, donc scientifique) donne une connaissance du réel qui s'approche extrêment de celle que donne la puissante physique moderne : un certain vide... qui n'est pas un vide de réalité biensûr... mais un vide de réalité conventionnelle...

    Troublant non?
    Neo
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    Message  Neo Mar 23 Oct - 9:16

    Une ou deux questions retenues lors du débat :
    Quelle est la pertinence ou l'efficacité de la méditation pour se connaitre soi ?
    Clément Rousset avait eu cette prise de conscience où notre "soi" ne se présente jamais à soi-même tel qu'il est, mais tel qu'il veut se donner à voir. D'où une distance infranchissable entre le réel et son double, entre soi et soi-même.
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    Message  Rene Mer 24 Oct - 13:59

    Une proposition qui m'a échappée et que je reporte seulement maintenant, sorry :

    Si je comprends bien Kant, les sciences elles-mêmes ne peuvent accéder au niveau nouménal. Tout ce qui est recueilli dans une « expérience » (protocole scientifique et introspection méditative confondues) est de l'ordre du phénomène. L'ordre nouménal est celui de l'intelligibilité pure, à laquelle seul Dieu peut avoir accès (ou un être purement intelligible lui-même, doté d'une faculté de connaître affranchie de la sensibilité – ce qui n'est pas le cas du scientifique, qui prend des mesures, se sert d'outils pour observer et objectiver). Enfin, il faudrait relire Kant pour être plus précis... Ceci dit, votre intervention nous met au coeur, à mon avis, d'une des questions-clés du problème : le rapport à établir entre certaines connaissances de sens commun et d'autres types de connaissances, plus réflexives et plus outillées (donc moins illusoires ?).

    A mon avis, le lien avec le Sâdhu peut prendre la forme des questions suivantes :
    L'accès à la vérité est-il conditionné par l'inscription dans une communauté ?
    Existe-t-il des types de vérités dont l'accès est favorisé par l'échange avec des pairs et d'autres qui nécessitent l'isolement (voire le recueillement) ?
    Comment penser le rapport entre ces différents ordres de vérités, le cas échéants ?

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